Né entre 742 et 748
Mort le 28 janvier 814 (66 et 71 ans)
Roi des Francs du 9 octobre 768 au 28 janvier 814 (45 ans de règne)
Père : Pépin le Bref (né en 714 / mort le 24 septembre 768)
Mère : Bertrade de Laon (née en 720 / morte le 12 juillet 783)
Epouses : Himiltrude
Désirée de Lombardie (née en 754 / morte en 776)
Hildegarde de Vintzgau (née en 758 / morte le 30 avril 783)
Fastrade de Franconie ( née vers 765 / morte le 10 août 794)
Luitgarde d’Alémanie (née en 776 / morte le 4 juin 800)
Enfants : Avec Himiltrude : Alpaïs
Pépin le Bossu (né en 768-769 / mort en 811)
Avec Hildegarde : Charles le jeune (né vers 772 /mort le 4 décembre 811)
Adélaïde
Rotrude (née vers 775 / morte le 6 juin 810)
Pépin d’Italie (né en 777 / mort le 8 juillet 810)
Louis 1er le Pieux (né en 778 / mort le 20 juin 840)
Lothaire
Berthe (née entre 779-780 / morte après 823 ou 824)
Gisèle (née en 781 / morte après 800 ou 814)
Hildegarde
Avec Fastrade : Théodrade (né vers 785 / mort le 9 janvier entre 844-853)
Hiltrude
Enfants illégitimes : Rothilde (morte le 24 mars 852)
Chrotais (ou Rothaide)
Adeltrude
Drogon de Metz (,é le 17 juin 801 / mort le 8 décembre 855)
Hugues l’abbé (né entre 802-806 / mort le 14 juin 844)
Théodoric (ou Thierry)
La dynastie carolingienne ne démarre pas précisément le jour de l’arrivée de Charlemagne sur le trône. Ses aïeuls ont déjà parcouru un bout de chemin pour évincer la dynastie précédente, celle des mérovingiens.
Tout d’abord, son grand-père, Charles Martel, qui doit son nom au marteau qu’il utilisait pour tuer ses adversaires. Il est un maire du palais puissant. Pourtant, c’est son fils Pépin le Bref, qui le premier devient roi des Francs. Il destitue le dernier roi mérovingien, Childéric III. Comment ? Il demande au pape en place, Zacharie, qui doit gouverner. Ce dernier répond que celui qui doit porter le titre de roi est celui qui dirige le pays. Pépin, maire du palais, ne se le fait pas dire deux fois, il fait tonsurer et enfermer à l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer Childéric et devient roi des Francs. Il faut savoir que le pape a besoin de la puissance militaire de Pépin. Byzance est trop loin de Rome et les Lombards menacent la ville. Le pape Étienne, successeur de Zacharie, va demander de l’aide à Pépin. Cette venue permet de sacrer le nouveau roi. Le sacrement se déroule à l’abbaye de Saint Denis. Saint Denis est le patron particulier de la dynastie mérovingienne, il confirme ainsi la future dynastie carolingienne.
Pour marquer encore plus ce sacrement, le cérémonial est inédit. Toute l’aristocratie franque est présente, le cérémonial est inspiré des rites wisigoths mais aussi de l’onction des évêques. Charles et Carloman seront oint avec leur père. Ils sont élus de Dieu sur terre. C’est la première fois qu’un roi franc est sacré. Avec cette onction, la dynastie carolingienne ne peut pas être remise en cause.
A la mort de Pépin le bref, le 24 septembre 768, ses deux fils, Charles et Carloman lui succèdent. Chacun hérite d’une partie du royaume, Charlemagne, le nord et l’ouest, Carloman, les parties sud et est. Charles est déçu de ce partage, il aurait aimé recevoir plus et surtout plus central. Le seul problème est que les deux frères ne s’entendent pas malgré les efforts de leur mère, Berthe aux grands pieds, qui s’efforcent de maintenir la paix. Ils n’ont pas la même vision du gouvernement, Charles veut accroître le territoire alors que Carloman préfère se contenter de son royaume.
Les insignes de Charlemagne :
A l’époque carolingienne, l’héraldique n’existait pas encore. Ainsi, Charlemagne n’avait pas de blason officiel.
Cependant, les générations suivantes lui ont attribué rétrospectivement plusieurs armoiries symboliques :
D’azur semé de fleurs de lys d’or, au chef de gueules chargé d’un aigle d’argent : combinaison des symboles de la France et du Saint-Empire.
Parfois simplement l’aigle impérial noir sur fond d’or, repris par les empereurs germaniques comme héritiers de Charlemagne.
Ces blasons sont purement honorifiques et postérieurs, destinés à illustrer son rôle de fondateur de l’Empire chrétien d’Occident.
Charlemagne n’avait pas de devise officielle, l’usage des devises personnelles n’apparaît que bien plus tard.
Mais plusieurs formules latines lui ont été associées après sa mort, comme :
“Renovatio Imperii Romanorum”, « Rénovation de l’Empire des Romains » (emblème politique du renouveau impérial chrétien).
“Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat” , « Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande » (hymne impérial chanté à sa cour).
Ces phrases expriment bien l’esprit de son règne : un pouvoir terrestre légitimé par Dieu.
768 : Arrivée au pouvoir de Charlemagne
814 : Mort de Charlemagne
Charlemagne, l’homme :
Surnommé à tort l’empereur à la barbe fleurie, Charlemagne portait la moustache comme tous les franques. C’est un homme de grande taille, il mesurait environ 1.97 mètres (soit 7 pieds de haut), puissant et fort avec un cou épais. Il impressionnait par son regard.
Il était vêtu à la mode franque, avec une chemise, des braies et des lanières autour des jambes, les vêtements de luxe comme la soie ne l’intéressait pas, sauf lorsque le protocole l’obligeait. L’hiver, il avait un manteau en peau de loutre ou de rat. Lorsqu’apparaît la mode des manteaux courts en dessous des fessiers, il s’en moquera.
Charlemagne était sportif, il aimait nager et chasser, le sport national de l’époque. En ce qui concerne l’alimentation, il adorait les viandes rôties.
De ce que l’on connaît de son caractère, c’est qu’il aimait la rationalité, la clarté. Au vu de toutes ses conquêtes et de son autoritarisme, il ne devait pas être homme facile… Il s’intéressait à l’instruction, et sa langue était le francique. Il n’a jamais su écrire mais il essayait d’apprendre la nuit. Sous ses oreillers, il cachait ses essais décevants d’écriture. A cette époque, le premier apprentissage était la lecture, l’écriture venait par la suite. Ainsi, un lettré pouvait savoir lire sans savoir écrire.
De nombreuses évolutions de la société lui sont attribuées, le développement de l’école, la simplification d’écriture, la diffusion du latin et la toute première monnaie unique.
L’enfance de Charlemagne :
Charlemagne serait né en 742- 748, dans un petit village de la vallée de l’Oise, Quierzy. La légende veut qu’il soit né le lundi de Pâques.
Au sortir de l’enfance, en général vers 7 ans, il reçoit la spatha du guerrier franc, l’épée, lors d’une cérémonie solennelle.
A la cour, le jeune prince apprend le combat, la chasse, à recevoir les ambassadeurs, à tenir son rang, à dire les bonnes paroles au bon moment, en somme c’est une éducation politique en vue de devenir un bon chef.
Au décès de son père, il a déjà gouverné le pays auprès de lui et a obtenu sa confiance. Carloman a plutôt la confiance de sa mère, Berthe (qui a été l’unique épouse de Pépin et qui lui a donné tous ses enfants, c’est assez rare pour le souligner).
Enigme
Charlemagne et la famille :
Charlemagne est un don Juan. On lui attribue plus de 20 femmes. Il est vrai que l’on est encore dans une société où le mariage monogame n’est pas imposé, même si l’Église cherche à le faire appliquer.
Charlemagne durant sa vie a eu cinq épouses principales. Himiltrude, son premier amour, Désirée la Lombarde avec qui il ne s’entend pas, Hildegarde dont il a neuf enfants, Fastrade de Franconie et Luitgarde d’Alémanie. Grâce à ces mariages, il créé des relations avec l’aristocratie franque, ces femmes proviennent de cinq régions différentes de l’empire.
Celle qu’il n’a pas aimé, c’est Désirée, la fille de Didier de Lombardie que sa mère lui a imposé et qui l’a obligé à répudier son amour de jeunesse Himiltrude.
Chose surprenante et inexpliquée, Charlemagne n’a pas marié ses filles. Est-ce un excès d’affection paternelle ou la peur d’avoir des gendres avec qui partager le royaume, aucune réponse n’a été proposée. Ses filles n’étaient cependant pas de bois, et il semblerait qu’elles aient eu des relations avec des hommes, ce qui n’a pas beaucoup plus à papa. Éginhard dit qu’il n’a jamais rien laissé paraître, quel classe !
Charlemagne, l’homme de guerre :
L’Aquitaine :
Juste avant son décès en 768, Pépin le Bref obtient la capitulation de l’Aquitaine et de la Vasconie. Le duc Waïfre a été tué par des gens de son entourage. Charles et Carloman se partagent le duché. Hunald 1er, père de Waïfre sort du monastère où il avait été enfermé et entre en rébellion, il refuse de reconnaître les jeunes rois. Jusque-là, l’Aquitaine était restée relativement autonome et le duc avait tous les pouvoirs d’un roi. Traqué par l’armée franque, Hunald 1er se réfugie en Vasconie chez le duc Loup II. Ce dernier préfère se soumettre et donne Hunald 1er à Charlemagne. Dès lors l’Aquitaine rentre dans le droit chemin et est sous le contrôle des Francs. Victoire au goût amer, Carloman devait rejoindre son frère pour cette expédition mais il ne vint jamais.
Carloman :
Ce jeune frère est une épine dans le pied. Refusant la guerre et s’étant abstenu de participer au conflit avec l’Aquitaine, Charlemagne est dans l’embarras. Carloman a la « bonne idée » de mourir, d’une mort aussi violente qu’inattendue ! Il aurait eu des saignements de nez. Aujourd’hui, aucune preuve ne permet d’identifier les symptômes, mais la thèse de l’empoisonnement ne peut pas être écartée. Carloman n’avait pas d’ennemis hormis son frère. Mais là encore, aucune affirmation que Charlemagne est fait assassiner son frère, juste quelques soupçons… Le jour des funérailles de Carloman à Reims, en 771, Charlemagne ne vient pas uniquement se recueillir sur la tombe de son frère, il vient réclamer ce qu’il estime être son dû. Alors là, c’est le coup de grâce. Il renvoie en Lombardie ses neveux et sa veuve. Il écarte définitivement sa mère du pouvoir et de sa vie. Elle est envoyée dans un palais de province et y demeurera enfermée jusqu’à la fin de sa vie. Et pour en terminer avec la Lombardie, il répudie son épouse. Autour de lui ne reste qu’un membre de sa famille, sa sœur Gisèle.
A 29 ans, Charlemagne est aux commandes du royaume des Francs réunifiés.
La Saxe :
Depuis 748, les Saxons sont soumis à un tribut envers les Francs. En 758, le butin dû était environ de 300 chevaux par an. A la fin du règne de Pépin le Bref, la dette n’est plus honorée et le royaume subit de nombreuses invasions saxonnes. Les saxons étaient encore des païens, ce qui pour Charlemagne est intolérable. Sa première décision lorsqu’il est sur le territoire ennemi, est la destruction de « l’irminsul », arbre sacré. La politique de christianisation peut commencer. Il leur impose le baptême sous peine de mort en cas de refus. Mais les saxons sont des rebelles et à leur tête un chef, Widukind. Sa stratégie est de laisser entrer Charlemagne durant la période de la belle saison, de se soumettre à ses volontés et dès que l’hiver arrive, les rebelles attaquent les quelques francs restés sur place. Ainsi, l’année d’après tout est à refaire. Confronté à la guérilla au terrain difficile, Charlemagne adopte la manière forte. Son armée est divisée en petites compagnies mobiles qui se déploient dans toute la Saxe. Le peuple subit la déportation, le pillage et la réduction en esclavage. Le sommet est atteint à Verdenne en 782, 4500 otages sont décapités, il est dit que les eaux du fleuve sur lesquelles s’étaient passées ce massacre, étaient rouge du sang des victimes. Pour contrôler la Saxe, Charlemagne décide de mettre une législation spéciale, le capitulaire saxon, « Sera condamné à mort toute personne qui tuera un autre homme dans le but de l’offrir en sacrifice aux idoles païennes ». La moindre incartade était punie de la peine de mort (par exemple, si l’on mangeait de la viande durant le carême). Même les proches du roi trouvent ces sanctions beaucoup trop sévères. Cependant, Charlemagne a eu gain de cause, en 785, Widukind accepte la reddition, si la guerre continuait encore longtemps, il y aurait bientôt plus de saxon pour la faire… Agenouillé devant Charlemagne, ce dernier l’a embrassé (à l’époque, la symbolique est très importante), Widukind se fait baptiser. Et deviner qui est son parrain ? Charlemagne, bien sûr ! Dix ans plus tard, un deuxième capitulaire vient adoucir le premier, en cas d’infraction, ce n’est plus la peine de mort, mais une amende, il semblerait que les saxons soient rentrés dans le rang
La Lombardie :
Les Lombards et le pape sont en perpétuels conflits. La famille carolingienne intervient soit pour l’un, soit pour l’autre, une sorte de conciliateur… Carloman ne veut pas faire la guerre, alors que Charlemagne, jeune roi fougueux, veut en découdre avec les Lombards. Leur mère, Berthe, qui a encore un peu d’influence, trouve une solution diplomatique. Elle fait mariée ses deux fils à deux héritières lombardes, ainsi, on peut agrandir le royaume sans anicroche.
Après la répudiation de son épouse, Désirée, plus rien ne retient notre guerrier. Au retour de la Saxe, il attaque la Lombardie. Le prétexte est simple, le roi Didier veut imposer son autorité au pape, Adrien 1er. Il envahit la Lombardie, assiège Pavie où s’est réfugié le roi lombard. La ville tombe, Didier est expédié dans un monastère. Charlemagne récupère ses neveux (Pépin et Cunegunda) qui s’étaient réfugiés chez leur grand-père. Pour les enfants de Carloman, plus aucune source ne les mentionne, les mauvaises langues diront que Charlemagne les a fait tuer.
En 774, Charlemagne devient roi des Lombards. Le territoire est grand comme deux fois la France.
L’Espagne :
En 777, Charlemagne reçoit des princes de confession musulman. Venus d’Espagne, ils viennent demander de l’aide au roi pour soutenir leur gouverneur de Saragosse, Sulayman ibn Yaqzan al-Arabi. Ce dernier est en conflit avec un autre chef sarrasin, l’émir de Cordoue, Abd al-Rahman qui contrôle la région. En contrepartie de son aide pour récupérer le pouvoir, il lui propose un certain nombre de cités du nord de l’Espagne et entre-autre Saragosse. Loin d’être convaincu de l’intérêt de cette guerre et ignorant tout sur la question religieuse de ce peuple ; Sont-ils païens, hérétiques, chrétiens…, Charlemagne hésite mais, en revanche, la contrée est riche et le butin pourrait être fort intéressant ! Il décide donc de partir une nouvelle fois pour l’affrontement, il se dirige vers le sud, et part recruter des soldats en passant par l’Aquitaine.
En 778, l’armée franque part pour l’Espagne. L’armée carolingienne est très puissante, elle réunit des fantassins, puis une cavalerie lourde. Lorsqu’il parvient aux portes de Saragosse, il trouve les portes closes, ses alliés qui devaient l’attendre ont disparu. En fait, il est arrivé trop tard, les révoltés avaient été capturés puis tués par l’émir de Cordoue qui retranché dans la ville était en toute sécurité. Charlemagne n’avait pas les moyens de tenir un siège. Il repart donc pour son royaume en n’oubliant pas de piller quelques villes (Pampelune, Huesca, Barcelone) sur son passage afin de satisfaire ses soldats. Il faut savoir qu’à cette époque, les seigneurs qui accompagnent le souverain en pillant les villes, renflouent leurs richesses. L’armée franque pille la cité basque, pourtant chrétienne, et rase ses murailles puis retourne vers l’Austrasie. C’est là que la légende de Charlemagne s’écrit. Le dur échec de Roncevaux. L’arrière garde de son armée tombe dans une embuscade au col de Roncevaux. Il faut dire que cette armée est lente avec ses centaines de chariots tirés par des bœufs. Malheureusement, le temps que le roi arrive à la rescousse de son équipe, il est trop tard, ils ont tous été massacré et surtout un ami proche, le comte Roland.
Histoire de la chanson de Roland : Cette chanson de geste sur l’épopée de Roncevaux est écrite dans la deuxième moitié du XIe siècle. Comme un bon film romanesque d’aujourd’hui, elle recèle de nombreuses erreurs historiques volontaires. Tout d’abord, elle parle d’un triomphe de Charlemagne en terre espagnole, ce qui est faux puisque sa mission n’a pas été accomplie. Ensuite, elle présente les agresseurs de Roncevaux comme des sarrasins, autre faute, puisque ce sont les basques, qui n’acceptent pas la domination des rois francs et qui ont certainement eu l’aide d’un seigneur aquitain pour connaître l’itinéraire de l’armée. Mais pourquoi avoir transgressé la réalité. A cette époque, les chevaliers français partent en croisade en terre sainte et en Espagne pour participer à la guerre contre les forces arabo-musulmanes. C’est donc une chanson de reconquête.
Un point positif, à la suite de cette douloureuse expérience, le rapprochement de Charlemagne avec le calife de Bagdad, Hâroun ar-Rachîd, grand rival des musulmans d’Espagne. Le roi ne pourra pas rivaliser avec les objets précieux envoyés par son nouveau partenaire pour sceller cette entente.
La Bavière :
Tassilon III, duc de Bavières, n’intercède pas en faveur des Lombards lors de l’attaque de Charlemagne. Mais cela n’empêche pas au roi, en 773-774, de vouloir renforcer son autorité dans ces régions. Tassilon prête serment de fidélité en 781, puis renouvèle son serment en 787. En 788, il est mis en jugement devant l’assemblée et condamné à mort, finalement, il est gracié puis enfermé dans un monastère, ainsi que son épouse et son fils. Charlemagne en profite pour mettre à la tête de l’armée, Gérold, son beau-frère (époux de sa sœur, Gisèle) avec le titre de « praefectus » (surveillant, préposé à la surveillance des mœurs, censeur). En 794, afin de sécuriser Charlemagne, après une autre convocation devant l’assemblée, Tassilon renonce au trône de Bavière qui est dorénavant intégré complètement au royaume franc.
Les Frisons :
L’annexion de la Frise orientale (la région s’étendant du Zuiderzee jusqu’à l’embouchure de la Weser) ne semble attestée en apparence qu’après 782, voire 785. Cependant, les Francs auront dû mal à tenir ce territoire.
Les Bretons :
Ce sont de chrétiens. Ils sont organisés en principautés, subdivisées en seigneuries dirigées par un mac’htiern (chef local qui s’occupe de l’administration et de la politique). Ils occupent l’Ouest de la péninsule armoricaine (Domnonée « royaume brittonique centré sur le Sud-Ouest de l’Angleterre, Cornouaille et Vannetais). Le Vannetais a été pris par les Francs. A la fin du XIIIe siècle, les comtés de Nantes, Rennes et Vannes forment la marche de Bretagne. Mais les Bretons, tout comme les autres peuplades, se révoltent. En 786, Charlemagne envoie des forces considérables pour mater les mac’htiern. Puis, une autre en 799 avec le comte Guy de Nantes, et en 811 mais le succès est très relatif. Certains aristocrates bretons ont de bonnes relations avec le roi Franc et fournissent même des cadres à la monarchie, dont l’un sous le règne de Louis le Pieu, Nominoë, qui sera à l’origine de la naissance d’une Bretagne unifiée et indépendante.
Les avars :
Installés dans le bassin du moyen-Danube, ils harcèlent à la fois l’Empire byzantin et la Bavière. En 791, Charlemagne et son fils Pépin d’Italie mène une première expédition contre eux. En 795, ils gagnent la bataille dans le camp retranché des avars, le « Ring avar », s’emparent de leur considérable trésor, fruit de plusieurs dizaines d’années de pillages. En 805, c’est la chute définitive des rebelles avars. Ils furent massacrés au point de disparaître en tant que peuple. Pour se protéger, Charlemagne transforme la Pannonie, peuplée de Slaves, en une marche. Une marche c’est un territoire de garde soumis à une administration militaire. Ce sera la « marche » orientale (marca orientalis), point de départ de l’Autriche moderne.
Les Slaves :
Établis des Balkans jusque sur les côtes de la mer Adriatiques, Charlemagne voulait protéger ses frontières. Des marches furent établies le long de l’Elbe et de la Saale afin de stopper la progression des tribus slaves des Sorabes et des Abodrites, frontière entre l’Europe chrétienne et le paganisme.
Petite aparté : les Slaves étant paganistes, aux yeux des chrétiens, ils étaient en dehors de l’humanité. Ainsi, lorsqu’ils étaient faits prisonniers, ils étaient vendus comme du bétail. Ainsi, le mot esclave (esclave, sklave, slaaf) vient du nom de ce peuple « slave ».
A présent, l’Empire carolingien se compose des territoires actuels de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Autriche, de la Hongrie et de la Slovénie, d’une bonne moitié de l’Italie, d’une petite partie de l’Espagne ainsi que les îles anglo-normandes et les principautés d’Andorre, de Monaco et du Liechtenstein. Charlemagne exerce également une autorité indirecte sur les États pontificaux, la Silésie, la Bohême, la Moravie, la Slovaquie et la Croatie.
Charlemagne et la religion :
Charlemagne veut instaurer une société chrétienne. Déjà Pépin le Bref a permis au pape d’obtenir la soumission des territoires autour de Rome. Le pape a une reconnaissance envers les rois francs et ceux-ci sont plus puissants que lui.
En 799, le pape Léon III a de gros soucis avec l’aristocratie romaine. Lors d’une procession, le pape tombe dans une embuscade, il est vilipendé, battu et on tente de lui couper la langue. C’est un homme dont on ne connaît pas les origines et qui s’intéresse d’un peu trop près à la gent féminine. De plus, il se serait intéressé de trop près à une famille aristocratique de Rome et aurait voulu faire du zèle en la rabrouant. Il fuit et se réfugie auprès du roi carolingien à qui il demande de l’aide pour récupérer son trône. La mauvaise réputation de ce pape, rend Charlemagne hésitant. Mais sur avis de ses conseillers, il décide de le secourir. Pour rétablir Léon III, dans ses fonctions, il faut laver tous les soupçons qui pèsent sur lui. Pour cela, Charlemagne va mettre en place une ordalie. C’est le jugement de Dieu. La méthode sera moins douloureuse que celle employée habituellement, le pape a dû déclarer sur les écritures ou sur les reliques qu’il était innocent des accusations proférées à son encontre. Sans préjugé, Léon III prononce le discours et peut retrouver son palais. Mais Charlemagne saisit l’occasion pour se faire couronner empereur, deux jours plus tard, lors de la fête de Noël, selon ses conditions. Il explique qu’il veut être couronné debout et qu’il lui fera signe lorsqu’il se relèvera (ainsi il montre sa supériorité au pape). Ce bon Léon III ne l’entend pas ainsi, il n’attend pas que le roi se relève et lui pose la couronne alors qu’il est encore agenouillé. Autant dire, que notre « sacré Charlemagne » n’était pas content du tout ! Ce geste entraînera des conséquences pour des siècles et des siècles car à compter de ce jour, c’est le pape qui fera les empereurs et pas l’inverse. A partir de ce moment-là, il ne sera pas possible à un empereur de se déclarer empereur avant d’avoir reçu la couronne des mains du pape.
Charlemagne veut unifier tout le royaume franc à des rituels religieux identiques lors des messes. Il réunit la liturgie autour du chant qu’on appelle grégorien (il remonte au temps du pape Grégoire 1er). On va voir apparaître les premiers traités musicologiques à cette époque avec des notations musicales qui commencent à ressembler aux nôtres.
Charlemagne donne à ses conseillers des évêchés et des abbayes. Il veut faire des monastères un pilier cérébral grâce à la foi chrétienne.
Charlemagne et l'administration :
Pour gouverner un royaume aussi gigantesque, Charlemagne a besoin de s’appuyer sur ses seigneurs. Après une bataille, il les réunit lors d’un plaid (une assemblée traditionnelle) durant laquelle il leur attribue des terres, des richesses, des fonctions au sein de l’administration (rendre la justice, lever des armées, lever les taxes). Lors de ces plaids, il exerce également son pouvoir royal, édicte de nouvelles lois écrites sur des documents nommés les capitulaires.
En échange, les nobles prêtent le serment de fidélité. Dans le monde franc, on aime bien les rituels d’investiture, ainsi pour remettre un pouvoir, on remet quelque chose, on est dans une société du geste, par exemple, lorsque l’on donne une fonction, on utilise souvent un bâton. Charlemagne, afin de s’assurer la loyauté de ses seigneurs, demande en contrepartie un otage et cet otage, c’est le fils ainé. Ainsi, il se garantit de toute rébellion de son vassal. L’enfant est élevé et instruit à la cour. Lourd tribut pour les seigneurs qui se voient dépossédés de leur héritier !
Vers l’âge de 58 ans, après avoir beaucoup guerroyé, Charlemagne se consacre à l’organisation de son vaste domaine. Il multiplie les capitulaires, il légifère surtout sur la politique et la justice.
Il décide de mettre en place une politique monétaire. Pépin avait créé une monnaie, le denier. Charlemagne va unifier cette monnaie d’argent qui deviendra unique dans tout son royaume. Sur ce denier, d’un côté on retrouve Charlemagne avec une couronne de laurier sur la tête, et une grosse moustache (ce serait l’image la plus réelle de Charlemagne), et de l’autre, un petit temple accompagné du texte « Cristiana religio ». C’est l’association de la royauté avec la religion. Mais les faussaires ne sont pas loin. A l’époque, il ne fallait pas badiner avec la loi. Lorsque l’un de ces contrefacteurs étaient pris, la pièce de monnaie était appliquée comme du fer rouge sur son front.
Son royaume est l’un des plus grand d’Occident. Il est un territoire riche par son agriculture. La population est à 90% rurale. Le pouvoir est centralisé dans les campagnes. Découpé en duché, comté et baronnie, c’est la noblesse qui dirige. Les terres et les titres se transmettent de père en fils. Les seigneurs locaux reconnaissent les rois francs et se doivent de les accompagner lors des guerres.
Il va créer un nouveau corps d’élite, les missi dominici dont le rôle est de veiller au respect des droits du roi par les seigneurs et le peuple. Ils vont se rendre compte que le pouvoir de l’empire s’amenuise à mesure que l’on s’éloigne du palais impérial. Manque de recrutement, il y avait seulement 200 membres pour gérer quinze millions d’habitants. Les missi dominici ne font peurs à personne !
Petit à petit, il va mettre ses fils aux commandements de régions.
Charlemagne créa le Corps de la Louveterie, une institution chargée exclusivement d’éradiquer les nuisibles et principalement les loups. Apparaissent alors les premiers fonctionnaires chargés de la surveillance du domaine forestier royal et les gardes forestiers, les « forestarii ».
François 1er officialise cette administration avec à sa tête un grand louvetier secondé par des officiers (lieutenants de louveterie) et sergent de louveterie. Ces hommes étaient exemptés des devoirs militaires. Des primes étaient versées pour chaque loup tué ou capturé. Bien sûr, de nombreux abus ont été commis sur le versement de ces primes. Malgré divers règlements émis, l’institution disparaît en 1787.
Sous Napoléon, la louveterie est rétablie avec une nouvelle législation.
Le corps des lieutenants de louveterie existe toujours mais ses missions ont été modifiées en 1971 par la loi française. Aujourd’hui, elle est chargée de veiller à la régulation des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts et au maintien de l’équilibre de la faune sauvage.
Charlemagne et l'instruction :
Pour gouverner, Charlemagne veut s’entourer d’un personnel compétent. Il fait appel à des lettrés maitrisant le droit, et capable de tenir un poste dans l’administration. Pour former ces personnes, il décide de créer l’école du palais. C’est certainement pour cela que la légende dit que Charlemagne a inventé l’école. Cela étant, les romains l’avaient déjà fait avant lui. La particularité de Charlemagne est la création obligatoire d’écoles dans chaque diocèse. Celle d’Aix la Chapelle est un modèle. Il veut instaurer le latin comme langue commune. Dans ces écoles est enseignés la rhétorique, l’arithmétique, la musique, le latin et sa grammaire. Très fervent chrétien, il veut que le livre de base soit le livre des psaumes. Au cas où l’étudiant ne serait pas à la hauteur, le maître tient une férule, et n’hésite pas à lui taper sur la tête ou sur les mains…
Dans les années 560-570 se développe une écriture extrêmement lisible que l’on va appeler la minuscule caroline. Elle est plus facile à écrire et plus lisible. Elle va permettre une diffusion plus importante des œuvres. Elle va se propager partout.
Charlemagne s’entoure de grands savants de l’époque, comme Théodulf (poète wisigoth), Alcuin (théologien anglais) ou encore Eginhard (biographe du roi).
Dans les abbayes, les livres sont recopiés par les copistes, et à cette époque, de nombreux textes de culture antiques sont retranscrits. Le métier de copiste a de beaux jours devant lui ! Ces manuscrits sont de véritables chefs d’œuvres et coûtent une fortune. Pour écrire une bible, il faut 300 à 400 moutons. Cet objet de luxe devient un objet de très grand luxe, lorsqu’on lui rajoute des enluminures. Seul quelques grands princes ou quelques monastères peuvent s’offrir ces manuscrits.
Comme le latin s’apprend par les anciens, par les auteurs païens de l’empire romain, les lettrés, les clercs vont être amenés à découvrir les textes de l’Antiquité. C’est par des manuscrits carolingiens que beaucoup de textes de l’Antiquité de Cicéron, de Tite-Live… nous ont été transmis. Sur 700 œuvres latines, 150 nous sont connues grâce à l’empire carolingien.
Mort de Charlemagne :
La cour est en perpétuel mouvement. Dans ces déplacements, toutes les affaires, tous ses trésors sont emportés. Finalement, après trente ans d’itinérance, Charlemagne décide de s’installer dans son palais tout neuf, d’Aix la Chapelle, à la frontière de la Belgique et de l’Allemagne. C’est sûr que pour gouverner ses villes de l’Aquitaine ou du sud de la France, ce n’est pas simple !
A presque soixante ans, il est gravement malade. Comme toute personne à cette époque, il veut mettre en place sa succession. Il partage son empire à ses trois fils, Pépin, Louis et Charles.
A Pépin, il laisse le royaume d’Italie, la Bavière et la partie sud de l’Allemagne.
A Louis, il lègue l’Aquitaine, le Languedoc, la Provence et une partie de la Bourgogne.
A Charles, il lui promet tout le reste. Les terres centrales du royaume des Francs, la Saxe et toute la Germanie centrale, de l’Elbe au Danube. C’est le partage de Thionville.
Mais ce partage ne servira à rien.
Quand Charlemagne s’éteint huit ans plus tard, deux de ses fils ont déjà été emportés par la maladie. Pépin et Charles. Il ne reste plus grand monde autour de Charlemagne le jour de sa mort. Sa fidèle sœur Gisèle a rendu l’âme et ses enfants sont tous partis avant lui, à l’exception de Louis.
Vers la fin de sa vie, il a de fortes crises de goutte. Bien que ces médecins lui conseillent de bien s’alimenter, il préfère jeuner, ce qui va considérablement l’affaiblir. Il meurt le 28 janvier 814 à l’âge de 66-71 ans. Il aura eu une mort longue, ce qui est une belle mort pour l’époque. Effectivement, il a eu le temps de se communier et de se faire pardonner ses péchés et il a pu régler ses affaires terrestres.
L'héritage de Charlemagne :
De 936 à 1541, trente empereurs du Saint Empire Romain Germaniques sont couronnés à Aix la Chapelle en souvenir de Charlemagne.
En l’an 1000, l’empereur Otton III ouvre le cercueil de Charlemagne. Il déclare avoir vu l’empereur enterré assis sur un trône avec tous les attributs du pouvoir dans la main. Ce que l’on sait, c’est qu’il a pris les reliques trouvées dans la tombe et qu’il a également coupé les ongles pour en faire des reliques, « on fait bois de tout feu » …
La sainteté de Charlemagne : Frédéric Barberousse, empereur du Saint Empire Germanique le fait canoniser par Laurent. Petit problème, Pascal III est un antipape. Frédéric Barberousse ne veut pas reconnaître le pape en place, Alexandre III mais Pascal III. Finalement, la canonisation de Charlemagne ne sera jamais ni confirmée, ni infirmée. Il se retrouve dans un statut intermédiaire, un personnage en réputation de sainteté. Le but de l’empereur est purement politique, comme il se rattache à Charlemagne, il se trouve grandi par un parent devenu saint.
Charlemagne qui a toujours voulu se légitimer, va être revendiqué par tous les souverains germaniques et les rois de France. La dynastie capétienne qui a du mal à assoir son pouvoir, n’hésite pas à appeler à la rescousse Charlemagne, cela étant, ils n’ont pourtant pas hésité à écarter du trône le dernier roi carolingien, Louis V. Ils vont quand même valoriser le sacre en se rapprochant de la monarchie carolingienne. Pour ce faire, ils vont développer une série d’objets, de symboles attachés à la mémoire carolingienne, dont les régaliens. On retrouve comme objet, l’épée « dite de Charlemagne » (appelée « joyeuse » dans la chanson de Roland) et aussi le sceptre orné d’une statuette de l’empereur. Ces derniers sont passés dans les mains d’une trentaine de roi, mais n’ont jamais appartenu à Charlemagne !
Une petite ombre cependant sur le pouvoir de Charlemagne. Au siècle des lumières, il est rejeté. Vu comme un guerrier sanguinaire, car c’est un barbare, les philosophes ne l’aiment pas. Voltaire quand il parle de lui dit : « le tyran Charles surnommé Magne ». Pour l’écrivain, c’est un abominable missionnaire qui a tué les saxons à coup de hache.
Mais Charlemagne revient à la charge. C’est un autre conquérant qui va faire appel à ce prestigieux ancêtre. Napoléon est à la recherche de référence. Il ne peut les trouver dans la monarchie, alors il fait appel à notre « empereur à la barbe fleurie ». Cette dynastie un peu lointaine reste glorieuse car Charlemagne est un grand conquérant. Il se rend à Aix la Chapelle, visite son tombeau et se fait sacrer en 1804 à Notre Dame de Paris dans une cérémonie de sacre similaire à celle de son référent, mais lui, il s’est couronné.
Pour la petite histoire, Joséphine se serait assise sur le trône de Charlemagne lors de la visite du palais, ce que n’a pas osé faire Napoléon !
Maintenant c’est au tour de la IIIe république. Cette fois-ci, c’est la facette « instruction » qui fait référence à Charlemagne. Eh bien oui, n’est-il pas à l’origine de la création des écoles ! Alors quel meilleur représentant pour l’école de Jules Vernes, école laïque, bien entendu ! Pour Charlemagne qui n’a pas hésité à massacrer des peuples pour qu’ils deviennent chrétiens, représenter la laïcité, c’est un comble ! Dès lors, l’empereur figure en bonne place dans tous les manuscrits de l’école primaire. Il est devenu le Charlemagne à la barbe fleurie.
L’aspect le moins sympathique est la récupération de l’image de l’empereur par le IIIème Reich, « Devant plus de 20 000 représentants du parti national socialiste, le bourgmestre de Nuremberg offre au chancelier une copie de l’épée de Charlemagne ». Les nazis cherchent des références historiques pour se légitimer. Himmler, fasciné par les personnages historiques, proposent Widukind, mais Hitler préfère quelqu’un de plus connu, et bien sûr, on fera une fois de plus appelle à Charlemagne. Pour lui, l’Europe doit avoir pour socle un rapprochement avec la France, Charlemagne en est le trait d’union. Une unité française de la Waffen-SS va même porter son nom.
Par la suite, la construction européenne va permettre de laver la mémoire de Charlemagne de ces funestes souvenirs. En 1950, à Aix la Chapelle, le prix Charlemagne récompense chaque années les personnalités engagées dans l’unification européenne.
Solution Enigme